vendredi 28 août 2009

Contes et Légendes de Bretagne - Yves Pinguilly et Joëlle Jolivet


En vacances en Bretagne, j'ai essayé de transmettre à mes enfants cette sensation toute particulière que l'on peut y ressentir en présence de ses vieilles pierres, cloîtres, landes et autres hortensias. Des clichés? Pas tant que çà.
Quoi de mieux que de leur raconter quelques légendes du pays...korrigans, le marais des enfers de Plonévez-ar-Faou, les contrebandiers, les flots, la bruyère, Gwazig, Nolwenn, Louarn... quelques mots seulement et nous voilà dans l'ambiance.
Les textes sont de Yves Pinguilly qui, nous dit-il a "interprété des moments de la tradition, comme un musicien d'aujourd'hui interprète pour ses contemporains les partitions de musiques d'hier". Les dessins en noir et blanc, plein de courbes, volutes sont de Joëlle Jolivet et collent merveilleusement à l'ambiance particulièrement sombre, mystérieuse, qui se dégage de ces histoires. Les bretons ici ne sont pas vraiment à la fête! Ils sont pauvres, ils sont affamés, l'Ankou (la mort) les guette avec sa faux, les marins partis au loin ne reviennent pas, les femmes aimables sont des manouès-noz (revenante ou sorcière). Parfois cependant quelques jeunes bretonnes bien malines arrivent à déjouer le malin.
Bref, un très bon moment avec ce livre qui est en plus un bel objet, belle couverture, reliure dorée.
La pire des pires: "Qui voit Ouessant voit son sang" Brrr!! elle est vraiment lugubre celle-là.
"Contes et Légendes de Bretagne"
Yves Pinguilly et Joëlle Jolivet.
Editions Nathan 1998. 177 pages


lundi 24 août 2009

Un roi sans divertissement - Jean Giono

Voici un livre extraordinaire!

Lorsque j'étais adolescente, j'ai lu avec énormément de plaisir "Que ma joie demeure" et "Colline" de J. Giono. Pour mes vacances, cet été, je me suis dit que ce serait délicieux de retrouver cet auteur, sa Provence, Manosque, ses personnages simples, les herbes sèches, la rocaille, les parfums du pays.

J'ai rapidement constaté que "Un roi sans divertissement" n'avait pratiquement rien à voir avec l'atmosphère décrite dans ces 2 textes précédemment écrits. Mais c'est un roman époustouflant, impressionnant par sa forme complexe, par son écriture, par les thèmes abordés...

Le récit se passe dans un village des montagnes du Trièvres essentiellement en hiver. Le livre présente trois parties, chacune d'elles se terminant par une mort sanglante. Je résumerai uniquement la première. Elle s'étend sur 3 années (de 1843-45). En hiver 43, une jeune fille du village disparaît mystérieusement en plein après-midi, après être sortie de chez elle en chaussons, se dirigeant vers le hangar. Peu à peu d'autres habitants disparaissent, sans laisser de traces, sauf quelques gouttes de sang sur la neige. A chaque arrivée de l'hiver, les gens se terrent dans leur maison, se méfient de tout. On parle du diable, du mauvais oeil, d'un monstre. A la deuxième disparition, quelques gendarmes sont dépêchés au village, dirigés par le capitaine Langlois. Ce dernier devient alors une figure très importante, un héros de la région. Il est ensuite l'objet principal des 2ème et 3ème parties du récit.

J. Giono arrive très bien à nous plonger dans une atmosphère lourde, oppressante. La nature y est comme dans ses livres précédents très présente mais elle est ici souvent hostile. Il fait froid, la neige isole les habitants du monde extérieur.

"D'ailleurs, tout de suite après il se met à tomber de la neige. A midi, tout est couvert, tout est effacé, il n'y a plus de monde, plus de bruits, plus rien. Des fumées lourdes coulent le long des toits et emmantellent les maisons; l'ombre des fenêtres, le papillonnement de la neige qui tombe l'éclaircit et la rend d'un rose sang frais dans lequel on voit battre le métronome d'une main qui essuie le givre de la vitre puis apparaît dans le carreau un visage émacié et cruel qui regarde." (p22)

En relisant quelques passages pour écrire ce billet, je me suis rendue compte que l'auteur nous fournit tout au long du récit énormément de pistes, d'indices nous mettant nous mêmes sur la trace des disparus. Le texte est riche, foisonnant, source de nombreuses interrogations, spéculations...
J'ai lu par hasard ce roman dans une collection particulière de Gallimard à destination des lycéens. Elle propose, insérés dans le texte, 3 "Arrêt sur lecture", des détails biographiques, le contexte historique, des propositions de commentaires composés etc...
J'avoue avoir trouvé parfois très complexe la lecture accompagnée effectuée par Nathalie Beauvois, une professeure agrégée de lettres modernes. Aaah... je n'ai pas le niveau lycée...!Cependant, sans elle, je serai passée à côté de quelques éléments qui m'ont vraiment intéressés. Elle y aborde notamment la notion d'intertextualité. Deux oeuvres sont en effet très présentes dans le roman de J. Giono. Il s'agit des "Pensées" de B. Pascal et de "Perceval ou le conte de Graal" de Ch. de Troyes. Pour Pascal, "le divertissemnt est méprisable, preuve de la faiblesse des hommes et même des rois, qui ne peuvent être en face face avec l'idée de la mort..."
"Qu'on en fasse l'épreuve, qu'on laisse un roi tout seul, sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin dans l'esprit, sans compagnies, penser à lui tout à loisir, et l'on verra qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misères" (p89 dans "Pensées" de B. Pascal. Edition Folioplus)
L'oeuvre de Ch. de Troyes intervient surtout dans la description des tâches de sang sur la neige.

Bref, par l'intermédiaire de cette lecture de J. Giono, je suis tombée dans le puits sans fond de la connaissance...et en pure autodidacte j'ai beaucoup aimé.

"Un roi sans divertissement" de Jean Giono
Editions La bibliothèque Gallimard 1948 pour le texte, 2003 pour l'accompagnement pédagogique par Nathalie Beauvois. 291 pages.