samedi 16 novembre 2024

Sylvia Aguilar-Zéleny- Le livre d'Aïcha



Ça commence par les faits. Ça commence par le récit d'un évènement de bascule d'une vie familiale au Mexique. 
Sylvia, la narratrice, accompagnée de ses parents, attend sa sœur Patricia (de 14 ans son aînée) à l'aéroport. Celle-ci rentre d'Angleterre avec son mari Sayeb. Cela fait plus de cinq ans qu'elle est partie. L'attente est forte et les retrouvailles sont fantasmées depuis plusieurs jours. Mais c'est le choc: " Cela fait plus de cinq ans qu'elle est partie avec un jean, un t-shirt et une veste en cuir. Non, ça ne peut pas être elle, ce visage timide qui émerge derrière un interminable morceau de tissu, cette fille à la tête voilée. Non, ce n'est pas possible, ou bien si?". A la maison, la cohabitation du jeune couple se conformant au rythme de vie dicté par un Islam rigoriste et la famille est très difficile. Patricia, Paty s'appelle désormais Aïcha: "Sayeb m'a choisi un autre prénom, un prénom spécial. Je m'appelle Aïcha et c'est un prénom qui a une très belle histoire". Un jour, au retour de l'école, Sylvia qui a alors 12 ans, apprend que sa soeur est partie vivre en Arizona avec son mari. Elle ne la reverra plus jamais.
Commence alors une quête, une obsession qui occupera les pensées, la vie de la narratrice et qui est finalement l'objet du livre. Pourquoi sa soeur a choisi cette vie? Quels sont les éléments déclencheurs  dans la jeunesse de Patricia? Devenue journaliste, Sylvia se lance tous azimuts dans la recherche de "la vérité".  Le récit prend alors différentes formes: la retranscription des interviews de ses proches, des rêves, des lettres, des poèmes, des listes. De tout ce matériel recueilli, elle décide d'en faire un livre. "On ne trouve pas nos obsessions, ce sont les obsessions qui nous trouvent. Mon travail et ma soeur occupent mon temps, mon esprit. Il est difficile de savoir exactement combien de temps je consacre à chacune de ces deux choses. Parfois, elles ne forment plus qu'un tout." Cela prend des années, nous sommes alors des spectatateurs du processus d'écriture de ce livre en train de se faire et de se défaire. "Serait-il possible qu'au lieu d'écrire pour un lecteur dont je ne sais même pas s'il existe, je doive lui écrire à elle, ma soeur? Je désécris et j'écris.
Un livre finalement abouti que j'ai dévoré en quelques heures. 

"Le livre d'Aïcha" de Sylvia Aguilar Zéleny. Traduit de l'espagnol (Mexique) par Julia Chardavoine. Ed: Le bruit du monde.


 

2 commentaires:

  1. Une histoire devenue si banale de nos jours et qui sépare les familles. Ici à cause d'une dérive intégriste et d'une soumission si difficile à comprendre, parfois sans raison connue quand une sœur ou un frère s'éloigne pour de bon et rompt tout lien, sans explication, ce qui est si frustrant.

    RépondreSupprimer
  2. Effectivement! Bien qu'il s'agisse de l'élément déclencheur de la rédaction du livre, l'emprise et ses mécanismes ne sont finalement pas l'objet du récit. Il s'agit ici plutôt de la description du manque, du chamboulement que la disparition génère dans la famille et ceci alors que la vie continue

    RépondreSupprimer