mercredi 14 avril 2010

Les femmes du braconnier - Claude Pujade-Renaud

Les deux premiers chapitres du roman, courts, définissent déjà très bien la personnalité des protagonistes principaux de ce roman: Sylvia Plath et Ted Hughes, alors deux jeunes poètes: "l'homme aux allures de bûcheron" est au zoo de Regent's park et s'arrête devant le jaguar, " ils se regardent longuement". Il écrira alors, "les poèmes sont des animaux qu'il faut traquer et capturer"; Sylvia Plath monte, sans le maîtriser, un bel étalon. Le cheval se lance au galop, s'emballe, mais la jeune femme s'accroche désespérément et tient bon contre toute attente. Cette folle chevauchée restera un grand moment de la vie de la jeune femme. Les deux artistes se rencontrent ensuite lors d'une fête étudiante très arrosée. Ils se plaisent immédiatement et commencent alors, très vite, une vie à deux; une vie trépidante, faite de voyages, de maisons à la campagne, d'enfants mais aussi une vie d'écriture, de poésies, de créations partagées ou solitaires. Le couple se fait bientôt remarquer dans le milieu littéraire et force l'admiration de son entourage. Cependant, Ted Hughes met fin à ce bonheur, en débutant une liaison amoureuse avec Assia Wevill, elle-même poète.

J'ai vraiment apprécié la lecture de ce roman de Claude Pujade-Renaud. Il ne s'agit pas d'un récit proprement dit. Nous suivons l'histoire de ce trio amoureux par les voix, les correspondances des membres de leur entourage: la mère de Sylvia, les voisins, une concierge, des amis etc... A chaque personnage, un chapitre très court. Beaucoup de rythme donc dans ce texte dont la réussite tient aussi de la personnalité vraiment étonnante, passionnante et complexe de ces artistes et notamment de S. Plath, qualifiée de bipolaire:

"Chez cette jeune femme alternent, étonnamment proches , la glaciation- tout se fige, paysage lunaire, gel mortifère - et l'éruption volcanique. Comme si la lave de l'inconscient était là, très proche, prête à crever la croûte de surface, à se répandre, brûlant et ravageant sur son passage." p98

Ce texte propose aussi une réflexion sur l'écriture, le besoin d'écrire. Nous assistons à la création d'une oeuvre littéraire directement en lien, imbriquée dans la vie de l'artiste. Plaisir de l'écriture, qui ne suffira pas à guérir S. Plath de ses nombreux tourments:

"Vous savez, je l'ai compris depuis peu: écrire ne sert à rien. je veux dire, ne protège pas contre le désespoir ou la dépression. je l'ai cru, lorsque j'avais dix-huit ans ou vingt ans. plus maintenant. Non, écrire ne guérit de rien. On recoud la plaie au fil des mots, on enfouie le mal sous l'écorce du langage. la plaie se referme ligneuse. en-dessus, çà s'enkyste. ou çà suppure".
Un beau texte, une belle écriture qui offre une ouverture intéressante sur les oeuvres de ces trois poètes.

"Les femmes du braconnier" de Claude Pujade-Renaud.
Editions Actes Sud 2010- 347 pages.

4 commentaires:

  1. Deux autres romans du même auteur m'ont beaucoup plus mais il faut aimer les romans "historiques" c'est le Désert et la grâce et aussi " la nuit la neige" deux récits âpres mais passionnants

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  2. Oui effectivement Dominique, je viens de faire l'acquisition de "Le désert et la grâce" dont le résumé en 4ème de couverture m'a bien plu. J'ai aussi "Arbres d'hiver" et "La traversée" de S. Plath. Intéressant de lire maintenant ces poèmes et de les replacer dans la vie de l'artiste. On peut y retrouver par exemple "le braconnier", "deux campeurs à Cloud Country" etc... Je vois très bien à quels évènements elle fait référence, c'est intéressant et plus facile pour une première approche de ses textes.

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  3. Tu me donnes très envie de le lire... Il m'attend sur ma PAL, j'ai hâte !!!
    Bon week end

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  4. Bonne lecture alors L'or des chambres! et bon week-end à toi aussi!

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