dimanche 20 décembre 2009

Chez nous - Marilynne Robinson

Nous revoici à Gilead, petite ville de l'Iowa, qui fut aussi le titre du précédent roman de Marilynne Robinson. L'auteur nous faisait alors part des réflexions du révérend Ames, vieillissant, écrivant une longue lettre pleine d'amour pour son jeune fils de 7 ans. Dans la dernière partie du récit, Ames apprenait le retour de Jack Boughton, le fils de son voisin et ami, alors qu'il avait quitté, fui, la maison familiale vingt ans auparavant suite à un évènement difficile. Il s'agissait du retour tant attendu et surprenant de l'enfant prodigue.

Dans "Chez nous", nous assistons aussi au retour de Jack mais cette fois-ci du point de vue des Boughton. Il y a là, le père, ancien pasteur presbytérien, malade et très faible et sa fille, Glory, petite dernière de la fratrie de 8 enfants. Glory a bientôt 40 ans, elle est revenue pour s'occuper de son père mourant. Elle a quitté son travail d'enseignante et a subi aussi une grande déception amoureuse. Jack fut un garçon difficile, menteur, voleur, solitaire, en éternelle souffrance, devenu alcoolique. Et malgré tout, il fut le fils préféré. Ce sont donc deux enfants, adultes maintenant mais paumés qui viennent chercher refuge dans la maison familiale.

Dans ce livre merveilleux, l'auteur prend son temps pour nous décrire l'arrivée de Jack, mal à l'aise, malheureux, honteux. Les trois personnages s'observent, s'épient, s'apprivoisent. On veut à tous prix éviter les sujets qui blessent. Glory et son père craignent un nouveau départ, une nouvelle fuite. Alors, les pas de Jack dans les escaliers sont écoutés, Glory passe dans sa chambre pour vérifier que ses affaires sont encore là lorsqu'il tarde à revenir d'une promenade. Et puis, l'ambiance se fait plus douce et chaleureuse. Le frère et la soeur se retrouvent souvent dans la cuisine, autour d'un café. Les langues se délient. Ils se confient l'un à l'autre avec souvent des petites pointes d'humour, d'autodérision qui leur permettent de dédramatiser les évènements douloureux qu'ils ont vécus l'un et l'autre. Mais aussi, peu à peu, le père cherche à savoir. Il culpabilise, il accuse. Qu'est-ce qui s'est passé? Quelles erreurs ont été commises pour que cet enfant ne se sentent pas à sa place dans cette famille?
L'auteur nous fait part avec une grande intelligence de l'extraordinaire complexité des relations humaines mais aussi, en se penchant sur la vie de Jack, de la difficulté de vivre lorsque l'on ne se sent pas appartenir à une communauté, exclu.
Un livre très émouvant, emprunt d'une grande mélancolie, avec des personnages attachants que l'on a du mal à quitter. L'auteur le termine par une ouverture positive vers l'avenir qui nous laisse penser qu'elle nous mènera de nouveau à Gilead. Je l'espère déjà.

"Chez nous" de Marilynne Robinson
Titre original: "Home", 2008, chez Farrar, straus & Giroux.
Actes Sud, 2009 traduit par Simon Baril
446 pages
Prix UK Orange Prize 2009

6 commentaires:

  1. Un auteur à découvrir, je note.

    RépondreSupprimer
  2. Oui absolument Tania!
    J'ai lu de cette auteure "Chez nous" et "Gilead". J'ai aimé les deux livres mais je conseillerai tout de même de commencer par "Gilead".
    Bonne lecture et bonnes fêtes de fin d'année!

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour, je viens de découvrir votre blog en cliquant de proche en proche
    Cette auteure m'attire beaucoup et les billets et critiques de ces deux bouquins sont excellents
    J'aime bien l'atmosphère que vous decrivez
    j'ai lu récemment un roman américain qui est dans la même tonalité : Lark et Termite

    RépondreSupprimer
  4. Bienvenue sur ce blog, Dominique. Je viens de passer chez vous, nous avons beaucoup de lectures et de goûts en commun. Vous m'avez donné envie de lire Lark et Termite. A bientôt de nouveau par ici, je l'espère.

    RépondreSupprimer
  5. Me tente aussi beaucoup celui là... Ce qui m'arrête un peu c'est l'aspect religieux du roman... J'ai découvert ton blog par hasard et je le trouve sympa.

    RépondreSupprimer
  6. Oui effectivement, la religion est très présente dans ce livre comme dans "Gilead", nous sommes dans une famille de pasteur presbytérien. Mais il s'agit ici surtout de la complexicité des rapports humains, des rapports père-fils, de la difficulté d'être différent...des thèmes qui intéressent croyants ou non croyants. Merci pour ta remarque sur mon blog! à bientôt alors!

    RépondreSupprimer