dimanche 29 août 2010

Trois femmes puissantes - Marie Ndiaye

Premier roman, premier texte de Marie Ndiaye que je lis. J'ai abordé sa lecture avec un peu de méfiance. Beaucoup d'éloges après son Prix Goncourt 2009 mais cependant un bruit de fond conséquent concernant la difficulté à rentrer dans ses histoires, la lourdeur du style, l'apport d'éléments fantastiques dans le récit....
J'ai pourtant été immédiatement et totalement emportée par l'auteure dès les premières pages de son roman. Le premier récit, qui concerne Norah, est de loin mon préféré. Je le qualifierais même de petit bijou. Il s'agit d'un texte très riche, extrêmement bien écrit, complexe tout en étant accessible. Alors que je craignais l'apport d'éléments fantastiques dans le texte, c'est justement ce qui m'a vraiment séduite ici.

La première femme puissante est Norah. Elle est avocate à Paris. Elle débarque dans la maison de son père, à Dakar. Celui-ci a réussi à la faire venir sans lui donner de réelles explications. Ils ne se sont pourtant pas vus depuis très longtemps. L'homme a bien changé, a perdu de sa Superbe mais affiche tout de même toujours le même mépris envers sa fille. Ce séjour au Sénégal va forcer Norah à se retourner sur son passé, sur les difficultés de sa jeunesse mais il sera aussi l'occasion pour la jeune femme de s'interroger sur sa vie actuelle, sa liaison avec son nouvel ami Jakob, sa relation avec sa fille. Tout va changer.
La deuxième femme puissante est Fanta. Nous apprenons à la connaître uniquement par l'intermédiaire de son mari Rudy, que nous suivons au cours d'une journée interminable sous une chaleur suffocante. Il va ressasser sans répit, avec obsession, les objets d'une dispute qu'il a eu avec Fanta le matin même. Ce récit m'a paru plus complexe que le précédent. L'auteure a tellement bien réussi à nous communiquer le mal-être de Rudy, sa culpabilité, "ses pensées mesquines et envieuses" que finalement nous plongeons dans une ambiance très malsaine, dans un tel malaise qu'il n'est pas aisé de s'en débarrasser. A ne pas lire dans toutes circonstances de la vie, donc.
La troisième femme puissante est Khady, Khady Demba. Nous sommes de nouveau au Sénégal. Après la mort de son mari, la jeune femme se retrouve seule et vient se réfugier dans sa belle famille qui cherche très vite à s'en débarrasser. Elle est alors forcée à quitter le pays et essaie de rejoindre la France. Elle aura le destin le plus tragique des 3 femmes.
Peu de liens entre les 3 récits mais beaucoup de points communs entre les personnages. Ils ressassent constamment des évènements de leur passé, leur incapacité à exprimer leur amour pour leurs proches, ils culpabilisent sans cesse.
Ces femmes sont puissantes, il me semble, par leur capacité à rester silencieuse, dénuer de sentiments, à s'extraire du réel, à porter un masque, à plonger dans leurs rêves.

"Sans cesser de travailler, elle glissait dans un état de stupeur mentale qui l'empêchait de comprendre ce qui se disait autour d'elle. Elle se sentait alors presque bien. Elle avait l'impression de dormir d'un sommeil blanc, léger, dépourvu de joie comme d'angoisse" p253
Un livre que j'ai donc vraiment apprécié et une romancière vers laquelle je reviendrai certainement!
"Trois femmes puissantes" de Marie Ndiaye
Editions Gallimard 2009- 317 pages

7 commentaires:

  1. Coucou Anne,

    tu reviens en force avec ce Goncourt ! Gangoueus en avait déjà fait un billet aguichant, je m'étais donc promis de le lire. Ta critique balaie mes hésitations, car j'en ai eu quelques unes, ma première rencontre avec l'auteure, il y a bien longtemps, n'avait pas été enthousiasmante, je n'avais pas terminé le livre. Mais je vois que je dois lire celui-ci. Merci pour ce beau billet.

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  2. Es-ce que tu te souviens du titre du livre que tu n'avais pas aimé et pourquoi?
    Celui-ci vaut vraiment la peine de s'y attarder, à mon sens, surtout pour le premier récit. J'ai une certaine réticence pour le 2ème. Non pas parce qu'il n'est pas bien écrit mais parce qu'il met trop en avant les aspects peu reluisants de notre humanité. J'en suis sortie presqu'exténuée par le noir, le glauque, le mauvais sentiment. Mais en même temps, si un écrivain est capable de nous mettre dans un tel état c'est que le texte est bon. Il faut donc seulement choisir le bon moment pour le lire. Bon eh bien bonne rentrée Liss!

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  3. J'avais note ce titre un peu avant le Goncourt et tu me donnes vraiment envie de le lire. J'avais aime 'Rosie Carpe', roman au style difficile au debut mais tres impressionnant au final.

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  4. Bienvenue L'Ogresse! Dans ce roman "les 3 femmes puissantes", il est vrai que les phrases sont souvent très longues, mais je n'ai pas trouvé le style difficile. Ou c'est peut-être que je m'y étais tellement préparée que finalement c'est bien passé.

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  5. Chère Anne, je ne me souviens même plus du titre, il faudrait peut-être que je consulte la liste de toutes les publications de Marie-Ndiaye pour espérer m'en souvenir, et encore je ne suis pas certaine d'y arriver (comme quoi je n'avais pas accroché du tout), Et comme le livre, je l'avais emprunté à la bibliothèque, difficile de m'en souvenir, ça remonte à 8, 9 ans au moins. Mais je sens que celui-ci va me plaire, tu as l'art et la manière de me convaincre, et il me semble que ce qui te plaît bien me plaît bien à moi également, donc affaire à suivre, lorsque j'aurais trouvé le "bon moment", comme tu dis.
    Affaire à suivre donc.

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  6. Bonne analyse du livre hautement plébiscité. Bravo!

    Yves MAKODIA

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  7. Bienvenue sur ce blog Yves et merci pour votre commentaire.

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