Voici un livre dont il est très difficile de passer à côté en ce moment. Alain Mabanckou sur son blog et l'interview de Dany Laferrière dans "La grande librairie" m'ont vraiment donné envie d'en faire l'acquisition et de m'y plonger sans attendre. Je n'ai pas été déçue.
Exilé depuis une trentaine d'années à Montréal, le narrateur/auteur natif de Port-au Prince, apprend le décès de son père. Il décide alors de retourner au pays, en Haïti, où vivent encore sa mère, sa soeur et son neveu dans lequel il se retrouve au même âge.
Peu d'actions dans ce livre, le narrateur nous fait part de ses sentiments lors de son voyage du Grand Nord vers New-York où a vécu son père lui aussi en exil depuis de nombreuses années, puis vers Port-au-Prince. Le récit se présente en deux parties "lents préparatifs de départ" et "le retour". Un "en avant" vers un "en arrière". Nous passons cependant très lentement d'un endroit à un autre, d'une époque à l'autre, sans véritables ruptures dans l'état d'esprit du narrateur visiblement déboussolé. Cherchant sa place, désenchanté, mal partout, dans le Grand Froid, dans le Chaud, étranger:
"Arrivé au nord, il m'a fallu me défaire
de toute la réalité du sud
qui me sortait par les pores.
J'ai mis trente-trois ans pour m'adapter
à ce pays d'hiver où tout est si différent
de ce que j'avais connu auparavant.
De retour dans le sud après toutes ces années
je me retrouve dans la situation de quelqu'un
qui doit réapprendre ce qu'il sait déjà
mais dont il a dû se défaire en chemin" p127
Puis peu à peu, le ton change. Imperceptiblement, les sentiments se font plus doux, le propos plus positif. L'auteur rencontre les membres de sa famille, ses anciens amis, des artistes peintres, et réussit de nouveau à être touché par la beauté de ce qui l'entoure, par les plaisirs simples: nager dans une eau fraîche, manger du poisson dans un guinguette au toit de chaume près de la mer, discuter avec sa mère sur la galerie...
Il s'agit bien ici d'un récit sur les problèmes liés à l'exil mais de nombreux autres thèmes y sont abordés: les problèmes en Haïti, la pauvreté, la force des femmes, figures stables et courageuses de son histoire...
Un livre que je prendrais plaisir à relire, à feuilleter. Où je reviendrais piocher ici où là, au hasard, les beautés de l'existence.
"L'énigme du retour" de Dany Laferrière
Editions Grasset 2009. 300 pages.
j'ai lu sur un blog, encres noires je crois, que ce livre était retenu pour un prix. Est-ce que tout le texte se présente comme un poème ? De Dany j'ai lu L'odeur du café, qui raconte son enfance, et Vers le Sud qui a même été adapté au cinéma. Dans ce dernier, on voit bien qu'on a affaire à un écrivain à l'écriture mâture.
RépondreSupprimerOui effectivement, il est en lice pour 4 prix maintenant: le Médicis, le Fémina, le Wepler et Télérama/France Culture. Il s'agit d'un livre qui a fait forte impression lors de cette rentrée littéraire. Difficile d'y résister. Tout le texte ne se présente pas comme un poème mais une grande partie, oui. Il s'agit de mon premier livre de cet auteur et çà m'a donné envie de me pencher sur ses autres textes. Qu'avez-vous pensé de "L'odeur du café" et "Vers le Sud"? Une "écriture matûre", j'avoue que je ne sais pas bien ce que çà signifie...
RépondreSupprimerL'intérêt de L'odeur du café, c'est les informations biographiques qu'il comporte, sinon je ne le trouve pas particulièrement spécial. pour Vers le Sud je parle d'écriture mâture, car la trame est bien construite, les références littéraires sont nombreuses, surtout sur la littérature américaine, en fait on est dans l'universalité : évocation de lieux différents, de cultures différentes, de littérature de différents horizons... j'ai apprécié. Quant au thème, l'auteur s'attaque à un phénomène réel, et il a le mérite de le mettre en lumière, maintenant on peut se demander s'il est besoin d'avoir des descriptions crues de sexualité. Il y a débat. Si vous le lisez, j'aimerais bien savoir ce que vous en pensez...
RépondreSupprimerIl semble que "L'énigme du retour" soit de la même veine que "Vers le Sud". Un récit bien construit, très riche par les différents thèmes abordés, qui mériterait plusieurs lectures. Je reviendrai volontiers vers cet auteur et ce sera donc avec "Vers le Sud".
RépondreSupprimerJe vous avoue que j'entretiens avec Laferrière des relations mitigées. Mais, votre commentaire et les encouragements de Liss m'incitent à me replonger dans son univers qui semble avoir bien changé depuis...
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerdepuis... ? Quel livre? J'ai lu chez vous votre commentaire sur "Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer" et vous sembliez plutôt enthousiaste.
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé "L'énigme du retour" mais j'ai tout de même été un peu déroutée au début du récit. Il présente peu d'actions, tout est très lent, nous sommes dans la tête du narrateur. Puis il arrive à Port-au Prince, et je n'ai alors plus décollé du texte pour le suivre. Ce serait intéressant d'avoir aussi votre avis sur ce livre!
J'ai été déçu par l'Odeur du café. Des souvenirs d'enfance en Haïti. Sa grand-mère. Je n'ai pas été emporté par ce livre. Autant le ton provocateur du fameux "Comment faire l'amour à un nègre sans se fatiguer" avait quelque chose d'intéressant, autant L'odeur du café m'a éloigné de cet auteur. Mais je compte reprendre contact par "Vers le sud" ou "L'énigme du retour".
RépondreSupprimerMerci!
J'ai seulement lu de lui "Comment faire l'amour à un nègre sans se fatiguer" il y a longtemps et j'ai vraiment hâte de lire "L'énigme du retour" qui m'attire particulièrement.
RépondreSupprimerJe lirai avec plaisir votre commentaire sur ce livre, Lo.
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