lundi 20 juillet 2009

Composition française, Retour sur une enfance bretonne - Mona Ozouf

J'ai énormément apprécié la lecture de ce livre de Mona Ozouf.
J’y suis venue après avoir visionné la 3ème émission du Bateau Libre. J’ai alors été fortement impressionnée par la personnalité de l’auteure.
M. Ozouf nous décrit dans un premier temps son enfance en Bretagne, avant la guerre, puis sa jeunesse étudiante à Paris où elle adhère au parti communiste. Elle est la fille unique de deux instituteurs. Son père, ardant défenseur de la culture et de la langue bretonne, meurt subitement alors qu’elle n’a que 4 ans. Elle va ensuite vivre dans le logement de fonction de l’école publique d’un petit village des Côtes d’Armor, Plouha, en compagnie de sa mère et de sa grand-mère maternelle. Solitaire, elle n’a pour seul horizon que la cour de l’école et se réfugie volontiers dans les livres et les manuels scolaires. Très vite, elle se trouve confrontée à trois mondes, trois écoles, qui s'opposent:
« Trois pèlerinages, donc, qui résumaient assez bien les trois lots de croyance avec lesquelles il me fallait vivre : la foi chrétienne de nos ancêtres, la foi bretonne de la maison, la foi de l’école dans la raison républicaine. A elles trois, ces croyances composaient ce que j’appellerais volontiers ma tradition. » (p145).
Ces trois écoles (de la Bretagne, de la France, de l'Eglise) qui font l'objet de trois chapitres différents dans ce livre l'ont construite mais leurs oppositions l'ont aussi parfois déstabilisée.
Peu à peu, en nous faisant part de ses souvenirs d'enfance et de jeunesse, M. Ozouf nous mène avec un grand talent à son dernier chapitre intitulé "Composition française" où elle cherche à comprendre l'origine et les mécanismes qui ont amené la France à gommer les particularismes régionaux. Elle revient alors sur la Révolution française et la création de la République: "Ce qui frappe alors en effet dans le discours révolutionnaire, c'est la réduction vigoureuse du multiple à l'un: toutes les revendications particulières semblent bourgeonner sur le même tronc de traîtrise à la patrie, toutes doivent s'évanouir devant l'impérieuse nécessité de l'unité" (p188).
Finalement, cette réflexion sur "la tension entre l'universel et le particulier" amène l'auteure à aborder certains problèmes contemporains que la France peine à gérer: la parité hommes-femmes, le problème du voile à l'école etc...
Outre les propos très intéressants développés dans ce livre, j'ai été aussi très sensible à la lecture du chapitre intitulé "La Bretagne incarnée" où l'auteure nous parle de sa grand-mère, avec de nombreuses expressions bretonnes. Avec par exemple:
"Sa règle morale est de ne jamais se mettre dans une situation telle que l'on puisse avoir honte. "Gand ar vez", "avec la honte", est l'expression qui pour elle englobe tout ce qu'il est inconvenant de faire et même de penser. (p45)
ou encore
"Une pensée aussi pour l'abbé Cleac'h qui chaque dimanche en chaire pourfend l'école publique, "skol an diaoul", l'école du diable, et les mistri difeiz", les instituteurs sans foi? (p62).

Un livre passionnant donc pour son propos mais aussi très touchant.
Un dernier petit paragraphe mais ils sont tellement nombreux, de qualité, que je pourrais en citer beaucoup:
"En chacun de nous, en effet, existe un être convaincu de la beauté et de la noblesse des valeurs universelles, séduit par l'intention d'égalité qui les anime et l'espérance d'un monde commun, mais aussi un être lié par son histoire, sa mémoire et sa tradition particulières. Il nous faut vivre tant bien que mal, entre cette universalité idéale et ses particularités réelles" (p241)

Et pour finir, un petit clin d'oeil:
La chanson de l'équipe de foot de Saint Pol de Léon (p97)
"Bénissons la providence
De nous avoir faits bretons, bretons, bretons
Nous avons bien de la chance
d'être de Saint Pol de Léon, Léon, Léon."
"Composition française, Retour sur une enfance bretonne" de Mona Ozouf.
Editins Gallimard, 2009. 259 pages.

6 commentaires:

  1. Mona Ozouf, je l'ai vue aussi dans cette émission, et ce billet me rappelle cette "Composition française" que je me suis promis de lire.
    J'ai découvert la belle écriture de Mona Ozouf dans "Les Mots des femmes", un essai formidable.

    RépondreSupprimer
  2. Suite à la lecture de "Composition française", j'ai moi aussi fait l'acquisition de "Les mots des femmes", que je n'ai pas encore lu cependant. Merci de votre passage ici, Tania.

    RépondreSupprimer
  3. Un très bon livre, je suis très content d'avoir découvert ton blog.
    Yvon

    RépondreSupprimer
  4. Oui un très bon livre qui m'a donné envie de me pencher plus sérieusement sur la littérature bretonne. Bienvenue sur ce blog Yvon!

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour.
    A force de me pencher, je suis tombé dedans! Il y a longtemps
    Yvon

    RépondreSupprimer
  6. Oui effectivement Yvon, c'est ce que j'ai vu en passant par chez vous. Vous affichez clairement vos couleurs. Suite à la lecture de "Composition française", j'ai commencé "Souvenirs d'enfance et de jeunesse" d'Ernest Renan mais j'ai trouvé que c'était difficile à lire. Je vais consulter plus attentivement votre blog mais vous auriez un conseil de lecture? Un de vos coups de coeur?

    RépondreSupprimer