jeudi 14 mai 2009

Victor Hugo - Le dernier jour d'un condamné

Lors d'un retour dans la maison familiale pendant les vacances, j'ai réussi in extremis à sauver d'une destruction certaine des livres ayant appartenu à mes frère et sœur. Ce sont des livres dit "classiques" que j'ai donc ramenés chez moi et avec parmi eux "Le dernier jour d'un condamné".

Il s'agit ici d'un récit à la première personne d'un prisonnier décrivant ses états d'âme, ses craintes, ses regrets, ses rêves alors qu'il sait depuis 5 semaines qu'il sera mis à mort sur la place de Grève.
Le texte présente trois parties correspondant à des lieux mais aussi à des espaces temps différents se terminant par la mort: le condamné est dans son cachot, il est ensuite transféré à la conciergerie, il est en place de Grève. L'auteur réussit très bien à nous transmettre l'état de tension croissante dans lequel se trouve le prisonnier passant par des phases d'abattement total, d'espoir, de colère et de résignation. Nous accompagnons totalement le prisonnier vers sa fin.
Une des originalités du texte pour l'époque est qu'aucune information nous est donnée sur le condamné: nous ne connaissons pas son identité, son origine, nous savons qu'il y a eu crime mais nous ne savons pas dans quelles circonstances etc... Par ce biais, V. Hugo entend bien sûr tendre à l'universalité du propos mais cependant, il semblerait au vue des différentes notes supplémentaires de l'époque qui nous sont fournies dans la collection Folio classique que cela ait gêné la lecture de certains de ces contemporains. Nous pouvons lire par exemple un extrait d'une critique de l'époque:

"Dérober ainsi au lecteur les éléments qui eussent satisfait sa curiosité, c'est à dire, en fait, le priver du mobile même de sa lecture. N'est-ce pas là, sur le plan de la plus élémentaire stratégie narrative, une erreur grave sinon une inconvenance?"*1

Par ailleurs, par les dires mêmes du condamné, nous sommes certains qu'il a commis le crime dont il est accusé. L'auteur ne discute donc pas du fait qu'il y a peut-être une erreur de jugement. Il décrit seulement l'ignominie de la mise à mort.

"Se sont-ils jamais seulement arrêtés à cette idée poignante que dans l'homme qu'ils retranchent il y a une intelligence, une intelligence qui avait compté sur la vie, une âme qui ne s'est point disposée pour la mort? Non. Ils ne voient pas dans tout cela que la chute verticale d'un couteau triangulaire, et pensent sans doute que pour le condamné, il n'y a rien avant, rien après."*2

Le beau texte se suffit à lui-même pour nous captiver mais la présence des différents documents en fin d'ouvrage m'a aussi beaucoup intéressée et m'a permis de me plonger dans cette période vraiment fascinante du 19ème siècle. J'ai appris par exemple qu'il s'en ait fallu de peu pour que la peine de mort soit abolie dès 1830. Ce récit m'a enfin permis d'évaluer combien les propos de Victor Hugo étaient modernes.

"Tout est prison autour de moi, je retrouve la prison sous toutes les formes, sous la forme humaine comme sous la forme de grille ou de verrou. Ce mur, c'est de la prison en pierre, cette porte, c'est de la prison en bois, ces guichetiers, c'est de la prison en chair et en os. La prison est une espèce d'être horrible complet, indivisible, moitié maison, moitié homme. Je suis sa proie; elle me couve, elle m'enlace de tous ses replis. Elle m'enferme dans ses murailles de granit, me cadenasse sous ses serrures de fer et me surveille avec ses yeux de geôlier."*3

*1: p417
*2: p286
*3: p314

La collection Folio Classique présente aussi dans ce livre un autre récit "Bug-Jargal, dont je ne parlerai pas ici.

"Le dernier jour d'un condamné" de Victor Hugo précédé de "Bug-Jargal"
Préface de Roger Borderie
Folio classique- 442 pages
Editions Gallimard 1970 pour la préface, notices et notes.

2 commentaires:

  1. lorsqu'il s'agit de défendre l'être humain, Victor Hugo est un As. Je te conseille de lire aussi "Claude Gueux", un texte trè court, mais où l'on voit combien la société se précipite à condamner un homme alors qu'elle-même est parfois plus à blâmer. Je ne t'en dis pas plus.

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  2. Ok, Liss, merci pour le conseil. Je le note!
    à bientôt
    Anne

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