Je me souviens très bien des circonstances dans lesquelles j'ai lu, j'ai dévoré, "La place", il y a quelques années. Je me revois le livre à la main, ne le lâchant pas avant que sa lecture ne soit terminée. En me baladant récemment sur la blogosphère, j'ai été étonnée de voir un billet et commentaires très critiques sur ce court récit et de constater combien nos lectures peuvent être si différentes. J'ai donc eu envie de relire ce livre.
Quelques temps après la mort de son père, la narratrice, A. Ernaux, ressent le besoin d'écrire sur sa vie:
"je voulais dire, écrire au sujet de mon père, sa vie, et cette distance venue à l'adolescence entre lui et moi. Une distance de classe, mais particulière, qui n'a pas de nom. Comme de l'amour séparé." *1
Avec une écriture qui se veut être une "écriture plate"*2, l'auteure choisit minutieusement et cherche à toucher au plus près les différents évènements qui ont marqué et constitué la vie de son père mais aussi construit sa propre existence. Initialement travailleur agricole, il devint ensuite ouvrier puis enfin propriétaire avec sa femme d'un petit café-épicerie. Il s'agit donc ici d'un destin ordinaire, une vie de peu où la moindre amélioration est le fruit d'un dur labeur. Peu à peu la jeune fille qu'est A. Ernaux, se détache de ce père, de son monde pour suivre des études de lettres et se marier. L'auteure cherche alors à mettre en évidence les petits riens qui illustrent et qui pourraientt expliquer cet éloignement.
On ressent beaucoup de tristesse, de regrets dans ce récit très émouvant. J'ai donc de nouveau énormément apprécié ce livre. A. Ernaux a un style vraiment particulier que j'ai retrouvé par la suite dans ses autres livres comme "Une femme" ou "la honte". Son grand talent vient du fait qu'en décrivant le particulier, qu'en retraçant sa propre histoire, elle réussit à mettre en avant les éléments qui ont constitué une époque et nous pouvons ainsi tous nous y retrouver.
*1:p23
*2:p24
"La place" d'Annie Ernaux
Gallimard-1983-114 pages
Prix Renaudot en 1984