dimanche 28 février 2010

L'autofictif - Eric Chevillard

Mon amie Aline qui me connaît bien, m'a offert ce livre. Bonne idée.
Eric Chevillard est un écrivain et, pour se "distraire" de l'écriture laborieuse d'un roman en cours, décide de commencer un blog qu'il appelle "L'autofictif". Il écrit alors une chronique quotidienne, une sorte de journal, débuté en septembre 2007, que l'on trouve publié ici. 3 phrases percutantes, brèves, pleine d'humour, nous donnent chaque jour à voir parfois un peu de son quotidien, de sa vie personnelle: la naissance de sa fille Agathe, ses questions sur l'écriture, sur son statut d'écrivain.
"Je trouve mes idées en marchant, puis en courant pour vite les rapporter chez moi, je les perds."(p200)
"Nous écrivons pour quelques âmes soeurs et quelques frères éparpillés dans l'espace et dans le temps, mais l'espace nous est mesuré et le temps nous est compté. Je suis ce frère à chaque instant foudroyé." (p26)
"Evidemment, j'aurais pu être le père d'Ernestine ou de Louisa, c'eût été bien aussi, pas de quoi se plaindre, Ernestine ou Louisa , il eût été injuste de ne pas les accueillir cordialement, mais enfin, c'est tout de même autre chose, me semble-t-il, d'être le père d'Agathe" (p164)
Mais E. Chevillard se lance aussi dans des délires étonnants et réjouissants:
"Un crocodile te mange le pied? Va vite! Tu n'as que quelques secondes pour te montrer en société avec ce beau soulier" (p169)
et très bien vus:
"Rien de tel qu'une bonne lime à ongles pour arrondir ses fins de moi "(p56)
L'auteur nous dit "ne rien s'interdire", pour notre plus grand plaisir. Et biensûr, devenue totalement accro, j'attends donc maintenant sa chronique quotidienne sur son blog qui se poursuit ici

"L'autofictif" d'Eric Chevillard
"Journal 2007-2008"
Editions de l'Arbre Vengeur" -2009- 251 pages

vendredi 19 février 2010

Les âmes soeurs - Valérie Zenatti

Après une journée intense, les trois jeunes enfants couchés, la vaisselle terminée, Emmanuelle se retrouve dans sa cuisine pour un moment de bonheur, plongée dans la lecture d'un bon livre.
"Enveloppée par l'obscurité et le silence de la nuit, elle avait le sentiment de revenir à elle. On cessait de bourdonner à son approche pour lui réclamer mille et une choses. Son esprit endolori pouvait enfin se détendre"(p12).
En préparant toute sa petite famille, le lendemain matin, pour l'école et le travail, elle repense à sa lecture de la veille: "Elle n'avait qu'une hâte: retrouver le livre, se sentir absorbée par lui, reprendre sa place dans cette vie secrète et intense où tout lui était possible, où tout était vivable" (p41).
Elle décide alors de faire l'école buissonnière, de ne pas se rendre à son travail et de s'accorder une journée de répit, de plaisir pour suivre l'héroïne de son roman, Lila Kovner. Nous suivons donc en parallèle les vies bien différentes des deux femmes: les quelques heures de liberté de la mère de famille et celle de L. Kovner, journaliste, photographe de guerre.

J'ai lu rapidement ce roman de V. Zenatti dont l'écriture est très fluide et légère. L'auteur est manifestement plus à l'aise dans la description du quotidien de la mère de famille dans laquelle je me suis parfois retrouvée. Elle y parle aussi d'amour, d'amitié, du temps qui passe et qui nous échappe et du plaisir de lire que nous connaissons tous ici.
Un livre que j'ai lu donc sans déplaisir mais qui ne me laissera pas un grand souvenir.

Un clin d'oeil à Aline pour cette lecture partagée.

"Les âmes soeurs" de Valérie Zenatti
Editions de l'Olivier, 2010- 172 pages.

dimanche 14 février 2010

Sorj Chalandon - Mon traître

C'est dans le début des années 70 qu'Antoine, le narrateur, jeune luthier, travaillant à Paris "rencontre" l'Irlande du Nord lors d'une discussion avec un client violoniste. Ce dernier possède une photo de James Connolly, figure emblématique du combat des irlandais du Nord, collée dans l'étui de son violon. Par simple curiosité, sur un coup de tête, Antoine décide de se rendre à Dublin pour fêter ses 30 ans. Il est immédiatement sensible à l'atmosphère de ses quartiers et aux difficultés de la vie de ses habitants:
" Pourquoi ces rues? Je ne sais pas. J'aimais leur pauvreté, ce silence de froid gris. J'aimais aussi les figures que je croisais. Des visages durs. Des regards perdus. Des cheveux sombres et roux. Des étoffes râpées, des manteaux trop amples et des chaussures molles." (p40)
Et c'est par hasard, qu'il fait la connaissance de Jim et Cathy, membres de l'IRA, qui l'accueillent tout naturellement et très chaleureusement à boire un thé dans leur maison. Peu à peu, après plusieurs allers-retours, Antoine apprend à connaître leur misère, leurs malheurs et leur combat auquel il prend part. La rencontre de Tyrone Meehan, un des leader du Sinn Féin, sera pour lui déterminante. Il devient, en effet pour lui, un personnage phare de son Irlande du Nord, un héros, mais aussi un ami, un père. Nous comprenons cependant, rapidement, que ce même Tyrone est aussi celui qu'il appelle "Mon traître".
L'auteur Sorj Chalandon a été journaliste pendant plusieurs années au journal "Libération" et a effectué de nombreux reportages sur l'Irlande du Nord. Il a lui aussi bien connu les républicains irlandais et leur combat. Il relate dans "Mon traître" plus de trente ans de leur histoire mais aussi celle plus particulière de Denis Donaldson, qui fut pendant 20 ans un espion à la solde des anglais.
Comme dans son roman "La légende de nos pères", sorti récemment, j'ai beaucoup aimé le style de Sorj Chalandon. J'apprécie les phrases courtes, directes et incisives, les mots justes. Il y parle aussi du mensonge, de ce qui finalement définit réellement un homme, de ses actions face aux épreuves et dans les combats. On retrouve aussi la chaleur et l'importance des amitiés masculines, "des copains".
Pour connaître un peu plus l'auteur, une émission de France Inter à réécouter ici
"Mon traître" de Sorj Chalandon
Editions Grasset, 2007- 275 pages