dimanche 19 avril 2009

Jean Echenoz- Courir


Pas grand chose à faire de bien réjouissant pour Emile dans la petite ville de Zlin, Moravie, dans les années 40: l'usine Bata pour les chaussures, Tatra pour les voitures, une équipe de football et une course à pieds, nommée "Parcours de Zlin". Emile a 17 ans lorsque les allemands entrent dans sa ville et c'est par hasard et presque contraint qu'il participe à cette fameuse course alors qu'il n'aime pas le sport. Il ne gagne pas mais prend plaisir à courir, "tout gentil qu'il est, il s'aperçoit qu'il aime aussi se battre"*1. Emile, c'est le fameux Emil Zatopek, "la locomotive" que nous suivons dans ce livre. En toile de fond, la guerre 39-45, l'occupation par les allemands, les différents régimes socialistes qui se succèdent en Tchécoslovaquie. Ils ne savent pas trop quoi en faire de ce héros populaire, de "ce phénomène du socialisme réel"*2 qui risquerait cependant de tenter un passage à l'ouest.
J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce récit très court, haletant, qui m'a donné envie d'en savoir plus sur la vie de ce héros à la personnalité finalement très complexe. Jean Echenoz en a fait un personnage de roman car tout y est pour nous plaire dans cette existence: les origines modestes, l'ascension vers la gloire, le sommet, l'amour, les conflits politiques, la chute...
Un bon moment de lecture.
"Courir" de Jean Echenoz
Les éditions de Minuit-2008
142 pages
*1:p18
*2: p66

mercredi 1 avril 2009

Arturo Pérez-Reverte- Le peintre des batailles


Il s'agit ici d'un roman très sombre, envoûtant, particulier dans l'oeuvre d'A. Pérez-Reverte, un de ses plus personnels semble-t-il.
Nous assistons à un huis clos inquiétant et fascinant entre deux personnages. Faulques est un ancien photographe et vit retiré dans une ancienne tour de guet située, face à la mer, sur la côte sud espagnole. Il y peint, à même les murs, une grande fresque, tentant de représenter ce qu’ont été pour lui tous les évènements sanglants, toutes les batailles auxquels il a assisté.
Le deuxième personnage, Markovic, un ancien combattant croate, entre rapidement en scène. Une photo de lui, prise par Faulques au cours de la guerre en Bosnie, a fait le tour du monde et a eu des conséquences tragiques sur le déroulement de sa vie. Il vient demander des comptes au photographe.
Commence alors une longue conversation où il est question de la cruauté des hommes, de l’art, de la peinture et de la photographie.
C’est aussi l’occasion pour le peintre des batailles de replonger dans son passé où il revit les moments intenses vécus avec son ancienne compagne, Olvido. Nous voyageons alors vers des destinations délicieuses comme Venise, Florence, Londres où il est question de tableaux d’Uccello, Goya, Piero della Franscesca mais aussi vers les horreurs des massacres en Bosnie, au Liban etc…
L’omniprésence de la fresque constitue un élément important du livre accentuant son côté sombre. Nous n’en finissons pas de la découvrir dans cette tour peu éclairée, froide, qui contraste avec la lumière presque toujours éblouissante des après-midis d’été. Nous distinguons des éléments grâce à des carrés lumineux provenant des quelques fenêtres de la tour mais aussi à la faveur de la flamme du briquet de Markovic. Une œuvre donc très mystérieuse qui nous révèle peu à peu ses secrets et un roman excellent, pour ma part.

« Le peintre des batailles » d’Arturo Pérez-Reverte
Points- 270 pages.
Première édition française au Seuil en 2007.
Traduction de François Masperol