jeudi 19 mars 2009

Alain Mabanckou - Verre cassé


Verre cassé est le surnom d'un ancien instituteur à la dérive, client assidu d’un bar congolais « le Crédit a voyagé » et grand buveur du vin rouge Sovinco. Un jour, le patron « l’Escargot entêté », lui offre un cahier et lui propose de raconter la vie des habitués. Verre cassé écrit alors sans arrêt, dans l’urgence, des portraits très colorés et drôles, d’hommes de son univers essentiellement, et comme lui à la dérive. La plupart d’entre eux ressassent un évènement de leur vie qui les a fait basculer dans une spirale infernale dont ils n’arrivent pas à sortir. Verre cassé revendique le droit de vivre à sa façon, en marge, de se soûler. Il l’assume. Cependant peu à peu, son ton change, il nous livre quelques pistes expliquant sa déchéance et n’apparaît plus seulement comme un bon vivant.

J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre. Je peux lire en 4ème de couverture de mon livre de poche, une critique de Bernard Pivot "Verre cassé est une oeuvre truculente, exubérante, bavarde, tonitruante, d'un comique sans retenue". Oui c'est vrai, mais je trouve ce commentaire trop réducteur. Ce livre est bien plus que cela. Sous couvert de portraits cocasses de son entourage, il pose de nombreuses questions, par exemple sur les causes de la déchéance d’un homme et sur l’influence néfaste de son environnement social.
Alain Mabanckou a ici un style très particulier, original, que j’ai beaucoup apprécié. Le livre ne commence pas par une majuscule, nous prenons les choses en cours. Il n’y a aucun point, pas de point final ; l’histoire se poursuit sans nous. Par ailleurs, le roman est truffé de références littéraires, de nombreux titres de romans sont insérés dans le texte et s’y fondent parfaitement, constituant de nombreux clins d’œil amusant au lecteur.



« Verre cassé » d’Alain Mabanckou

Points-247 pages.

Première édition au Seuil en 2005.

Prix des Cinq Continents de la Francophonie,

Prix Ouest-France/Etonnants voyageurs, Prix RFO du livre en 2005

dimanche 15 mars 2009

Henry Bauchau - Le boulevard périphérique


« Le boulevard périphérique » a reçu le Prix du Livre France Inter en 2008. Il a donc fait l’objet de nombreux articles, commentaires admiratifs, et je m’y associe pleinement.
Le narrateur se rend chaque jour à l’hôpital, visiter sa belle-fille Paule, atteinte d’un cancer. Elle débute un nouveau traitement et son entourage est suspendu au moindre souffle de la malade, au sourire faisant espérer un léger mieux. Pour parvenir à l’hôpital, nous suivons le narrateur dans ses longs voyages en transport en commun ou en voiture sur le boulevard périphérique, généralement très encombré. Nous sommes à Paris et sa banlieue. Il pleut, tout est gris, humide, les rues sont pleines de flaques. Les trajets sont pour lui extrêmement pénibles et fatiguants. Il se demande très tôt « Paule ne va pas mieux, pourquoi est-ce que je m’oblige à aller à l’hôpital, si souvent, alors que je ne puis rien pour elle ?" . C’est peut-être qu’il a alors l’impression de l’aider en partageant avec elle un peu de sa souffrance. Mais ces trajets sont aussi pour lui des moments propices pour laisser son esprit revenir au passé et repenser à 2 personnages qui ont marqué sa jeunesse: Stéphane, jeune homme lumineux, fort, rencontré au début de la guerre, entré très tôt dans la Résistance et le colonel Shadow, officier nazi, homme ténébreux, responsable de la mort de Stéphane dans de troubles circonstances qui nous seront révélées à la fin du livre.
Passé et présent s’entrelacent et sont prétexte à des réflexions sur la mort mais aussi sur l'espérance, les relations père-fils, l'éducation, l'amour... Pas de grandes démonstrations ici, l'auteur nous mène dans son récit par de petites touches relatant le quotidien. Le narrateur se révèle être d'une très grande douceur, pleine d’amour pour ses proches. Nous devinons une personne vraiment extraordinaire et très touchante.
Un grand livre pour moi.

« Le boulevard périphérique » d’Henry Bauchau
Actes Sud- 255 pages - Première publication: 2008
Prix du livre Inter en 2008